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L’originalité du logiciel

Cour de cassation 1ere Chambre civile Arrêt du 17 octobre 2012

D 17 octobre 2012     H 18:17     A Sébastien Canévet     C 0 messages


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Décision de la Cour de cassation du 17 octobre 2012 (Codix / Alix)

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Vu les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Compagnie de distribution informatique expert (Codix), affirmant être titulaire des droits d’auteur sur un logiciel dénommé CRX/HX, puis IMX, et soutenant que la société Alix services et développement, venant aux droits de la société Alix à laquelle elle avait initialement consenti une licence d’utilisation de ce logiciel, exploitait celui-ci sans son autorisation, l’a fait assigner en contrefaçon aux côtés de la société d’huissiers de justice Tosello et Lilamand, liée à cette dernière par un contrat de prestations informatiques ;

Attendu que pour retenir le grief de contrefaçon, l’arrêt énonce que le logiciel en cause est original “car apportant une solution particulière à la gestion des études d’huissiers de justice” ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher en quoi les choix opérés témoignaient d’un apport intellectuel propre et d’un effort personnalisé de celui qui avait élaboré le logiciel litigieux, seuls de nature à lui conférer le caractère d’une œuvre originale protégée, comme telle, par le droit d’auteur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

DECISION

Par ces motifs :

- Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 mai 2011, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

- Condamne la société Compagnie de distribution informatique expert aux dépens ;

- Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Compagnie de distribution informatique expert et de la SCP Tosello et Lilamand ; condamne la société Compagnie de distribution informatique expert à payer à la société Alix services et développement la somme de 3000 € ;

- Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

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Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux conseils, pour la société Alix services et développement

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré la société Alix Services et Développement responsable de contrefaçon sur le logiciel IMX au préjudice de la société Codix, et de l’avoir, en conséquence, condamnée à payer à celle-ci, in solidum avec la SCP Bernard Tosello & Didier Lilamand, la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts, et d’avoir ordonné, sous astreinte, à la société Alix Services et Développement de cesser toute utilisation du logiciel IMX, de supprimer celui-ci de tous ses ordinateurs, et de remettre à la société Codix toute documentation afférente à ce logiciel ;

Aux motifs que « Sur le logiciel et sur les droits de la société Codix : que ce logiciel litigieux a fait l’objet :

en décembre 1992-janvier 1993 d’un contrat de location de licence par la société Cofief au profit de la société Nmemo devenue Alix, contrat qui a été remplacé en décembre 1998 par un autre de vente de licences consenti par les sociétés Cofief et Codix au profit de la même nouvelle société ;

en septembre 2000 d’un contrat de ventes de licences par la société Codix constituée le 14 octobre 1993, au profit de la société Portalis Gestion venant aux droits de la société Alix ;

en novembre 2000 d’une vente par la société Cofief à la société Codix ;

d’un dépôt par cette dernière les 23 décembre 2003 et 26 juin 2006 à l’Agence pour la Protection des Programmes ;

que ces divers éléments permettent à la Cour de retenir d’une part que ce logiciel est original car apportant une solution particulière à la gestion des études d’Huissiers de Justice ; d’autre part que l’auteur de celui-ci pour l’avoir divulgué est la société Cofief, laquelle l’a vendu le 3 juillet 2000 à la société Codix qui en est le seul propriétaire, peu important que le contrat du 5 septembre 2000 entre cette société et la société Portalis Gestion mentionne (par erreur) que le logiciel appartient à la société Cofief, et que la société Codix soit également acquéreur du fonds de commerce de la même société selon acte distinct du 22 décembre suivant ; Sur les droits de la société Alix Portalis : qu’une licence du logiciel a été régulièrement consentie à l’auteur de cette dernière la société Alix en 1992-1993 avec remplacement en 1998 ; que la même licence a été mentionnée le 30 août 2000 lorsque la première société a donné son fonds de commerce en location-gérance à la société Portalis Gestion, puis par le contrat du 5 septembre suivant conclu directement entre la société Codix et cette dernière société ;
que cette licence semble indiquée dans le protocole du 7 septembre 2000, mais sans aucune certitude puisque le nouveau contrat annoncé en annexe n’est pas matérialisé notamment dans les pièces communiquées par les sociétés Alix Portalis et Tosello/Lilamand, et qu’à cette date seul le contrat de maintenance du logiciel avait été mentionné comme résilié dans l’acte de location-gérance précité ; qu’enfin lorsque ce dernier est devenu une vente le 20 décembre 2001, la société Alix vendeur et la société Alix Portalis acheteur ont clairement stipulé en page 5 de l’acte que la licence précitée de 1998 avait été résiliée unilatéralement par les sociétés Cofief et Codix, avec contestation judiciaire par ledit vendeur ; que la cessation par ces 2 sociétés des droits de la société Alix sur le logiciel se répercute évidemment sur ceux des ayants droit successifs de cette dernière que sont la société Portalis Gestion puis la société Alix Portalis ;
qu’en outre le contrat précité n° 06010 du 5 septembre 2000, s’il est intitulé , n’est suivi que par un y compris dans l’exemplaire communiqué par la société Alix Portalis tandis que l’annexe daté du surlendemain dénommé vise uniquement l’assistance technique et la maintenance ; que de plus le contrat annoncé par le protocole du 7 septembre 2000 n’a pas vu le jour, absence qui n’a pas conduit la société Alix puis la société Portalis Gestion et enfin la société Alix Portalis à émettre protestation et/ou réclamation auprès de la société Codix, d’autant que la société Portalis Gestion que ce protocole autorisait à poursuivre le contrat avec la société Alix ne l’a pas fait parce que celui-ci lui a été annoncé comme résilié lors de son achat du 20 décembre 2001 ; que par ailleurs l’ facturé le 21 juin 2001 par la société Codix à la société Portalis Gestion est devenu caduque par la résiliation du contrat de licence de décembre 1998 clairement énoncée dans l’acte de vente du 20 décembre suivant ;
qu’enfin la bonne vingtaine de factures établie par la société Codix contre la société Portalis Gestion entre septembre 2000 et août 2007, et communiquées par la société Alix Portalis, concernent toutes des prestations de maintenance-suivi de versions ainsi que quelques modifications/installations, mais aucunement des ventes/locations de licences comme l’a justement retenu le tribunal de grande instance ; que l’arrêt de la 8ème chambre B de cette Cour du 11 septembre 2009, dont le caractère définitif n’est cependant pas établi, a certes condamné les sociétés Cofief et Codix pour avoir résilié unilatéralement et sans raison leurs relations contractuelles avec la société Alix ; mais que cette décision ne peut évidemment pas annuler rétroactivement de fait cette résiliation et faire revivre également rétroactivement ces relations, notamment au 20 décembre 2001, date à laquelle la société Alix a vendu son fonds de commerce sans ces relations à la société Portalis Gestion devenue la société Alix Portalis » ;

et aux motifs adoptes que « la société Codix sollicite la condamnation des sociétés Alix Services et Développement et Tosello Lilamand au visa des articles L 122-6 et L 335-3 du code de la propriété intellectuelle ; que l’article L 122-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Sous réserve des dispositions de l’article L. 122-6-1, le droit d’exploitation appartenant à l’auteur d’un logiciel comprend le droit d’effectuer et d’autoriser :

1° La reproduction permanente ou provisoire d’un logiciel en tout ou partie par tout moyen et sous toute forme. Dans la mesure où le chargement, l’affichage et l’exécution, la transmission ou le stockage de ce logiciel nécessitent une reproduction ces actes ne sont possibles qu’avec l’autorisation de l’auteur ;

2° La traduction, l’adaptation, l’arrangement ou toute autre modification d’un logiciel et la reproduction d’un logiciel en résultant ;

3° La mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location du ou des exemplaires d’un logiciel par tout procédé. Toutefois, la première vente d’un exemplaire d’un logiciel dans le territoire d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen par l’auteur ou avec son consentement épuise le droit de mise sur le marché de cet exemplaire dans tous les Etats membres à l’exception du droit d’autoriser la location ultérieure d’un exemplaire. » ; que l’article L 335-3 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’« Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi » ; qu’au visa de ces textes, la société Codix affirme que les sociétés Alix Services et Développement et Tosello Lilamand se sont rendues responsables de contrefaçon, en diffusant le logiciel, pour la société Alix, et, en l’utilisant, pour la S.C.P. Tosello Lilamand, et ce, sans en avoir acquis la licence ; qu’au vu du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2007, il est établi avec certitude, et de manière non contestée, que les sociétés Alix et Lilamand Tosello ont utilisé le logiciel IMX, celui-ci ayant été retrouvé dans les ordinateurs des deux sociétés ;
qu’en revanche, l’absence de possession de licence est contestée par les deux sociétés ; * Concernant la société Alix Services et Développement, qu’elle invoque la transmission de cette licence par la société Alix lors de la cession de fonds intervenue le 20 décembre 2001 ; que la société Alix Services et Développement précise que le contrat intervenu entre elle et Codix le 7 septembre 2000, et substituant la société Portalis Gérance (future Alix Services et Développement) dans la position qu’occupait jusqu’alors Alix l’a confirmé dans la certitude de posséder la licence du logiciel IMX ; or, que le contrat de cession du fonds de commerce du 20 décembre 2001, comprend un paragraphe intitulé « condition particulière » venant apporter les précisions suivantes : « Comme indiqué ci-avant ; la société Alix a acquis des sociétés Cofief et Codix, des licences d’exploitation de logiciel ... Par ailleurs, l’acquéreur déclare utiliser les logiciels objet de ces licences et qu’un contrat de maintenance y afférent a été signé directement par lui avec lesdites sociétés Cofief et Codix. Compte tenu de cette situation les parties conviennent de procéder comme suit :

si lesdites licences devaient être considérées comme demeurant appartenir à la société Alix, celle-ci s’oblige à les transférer à l’acquéreur, les licences étant comprises dans les éléments du fonds vendu - si lesdites licences devaient en définitive ne pas être la propriété de Alix, l’acquéreur déclare en faire son affaire personnelle avec les sociétés Cofief et Codix » ; que dès lors, la société Alix Services et Développement ne peut s’appuyer avec succès sur le protocole du 7 septembre 2000, antérieur à l’acte de cession de 2001, pour démontrer avoir possédé ni même avoir cru posséder la licence permettant l’utilisation d’IMX ; qu’en effet, dans l’acte de cession lui-même la société Alix Services et Développement (alors Portalis Gérance) (sic), qui a qualité de professionnel, était appelée à la vigilance sur ce point ; qu’au surplus, la société Alix Services et Développement affirme avoir toujours effectué des versements au profit de la société Codix, versements qui auraient inclus la location de la licence du logiciel IMX ; que la société Codix reconnaît que des « bons de commande » avaient bien été joints au protocole d’accord du 7 septembre 2000 ; que toutefois, elle précise que ces bons de commande n’ont jamais été suivis d’effet concernant l’achat ou la location de licence du logiciel IMX ;

qu’ainsi, les commandes qui auraient été passées ensuite, à partir de 2000, n’auraient inclus que des services de maintenance ; que la société Alix Services et Développement produit diverses factures attestant, certes, de relations commerciales régulières avec la société Codix ; or, qu’aucune référence à un prix d’achat ou de location de licence n’y est faite ; qu’il y est notamment question de « maintenance », de « suivi des versions » pour une période donnée, ainsi que d’« évolution de programme » et de « modification d’interface » ; qu’ainsi, si la société Alix Services et Développement démontre qu’elle a régulièrement effectué des versements à la société Codix, il n’est pas établi par les factures produites qu’une licence ait été acquise on louée pour l’utilisation et la diffusion d’IMX ; que de fait, il ressort de l’examen du contrat intitulé « contrat de vente de licences et de services n° 06010 », qu’il n’est suivi que d’un « formulaire de commande de services » sous-titré « contrats de maintenance logiciel » et non d’un contrat de vente de la licence IMX ; qu’il doit être ajouté que la mention faite par l’astérisque figurant en note de bas de page et précisant « la base de calcul inclut le prix des licences HX … », entend seulement signifier, contrairement à ce qui est allégué par la société Alix, que le prix de la licence du logiciel est pris en compte comme base du calcul du service de maintenance commandé et non que le prix de la licence est compris dans le coût de la maintenance ; qu’en outre, l’index de tarifs versé aux débats par IMX, bien que non commenté, fait apparaître une certaine disparité entre le prix de la licence et les règlements de la société Alix Services et Développement, qui n’apporte pas davantage d’éléments explicatifs de ce fait ; qu’au vu de ce qui précède, il est établi que la société Alix Services et Développement a commis une contrefaçon au préjudice de la société Codix en utilisant le logiciel IMX sans en avoir acquis la licence » ;

Alors, d’une part, qu’un logiciel est une œuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur sous réserve d’être original ; qu’en se bornant à affirmer qu’il résulterait de l’existence des différents contrats dont le logiciel IMX a fait l’objet, et de son dépôt à l’Agence pour la protection des programmes que ce logiciel serait original « car apportant une solution particulière à la gestion des études d’Huissiers de Justice », sans préciser en quoi les choix opérés par son auteur résulteraient d’un effort créatif portant l’empreinte de sa personnalité ou porteraient la marque d’un apport intellectuel propre et d’un effort personnalité de son auteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Alors, d’autre part, que les dispositions de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle sont inapplicables à un contrat de licence passé par la société cessionnaire d’un logiciel avec un tiers ; qu’en application de l’article L.110-3 du code de commerce, la preuve du contenu d’un contrat passé entre commerçants se prouve par tous moyens ; qu’en retenant, en l’espèce, qu’aucun contrat écrit de licence de logiciel n’avait été formalisé entre les sociétés Codix et Alix Services et Développement et qu’aucune des factures versées aux débats ne concernait des « ventes/locations de licences », sans rechercher, comme elle y était invitée par la société Alix Services et Développement dans ses conclusions d’appel (cf. pp. 5 et 11 à 14), si, indépendamment de toute formalisation d’un écrit, la société Codix, qui s’était engagée à conclure un contrat de licence avec la société Alix Services et Développement en vertu du protocole d’accord amiable et transactionnel du 7 septembre 2000, et qui avait continué à assurer la maintenance et les mises à jour du logiciel IMX auprès de cette société de 2001 à 2006, n’avait pas consenti à cette dernière un droit d’utiliser ce logiciel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 110-3 du code de commerce, ensemble l’article 1134 du code civil.

La Cour : M. Charruault (président)

Avocats : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Blanc et Rousseau, SCP Hémery et Thomas-Raquin

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